Selmilor. Les Héros et les «Gens ordinaires»

Selmilor. Les Héros et les «Gens ordinaires»
 
Depuis le jour où les hommes ont accepté le soin du Ciel et où les anges sont entrés dans leur service éternel, j’observe leur vie — terrestre et céleste. Je regarde lorsqu’ils marchent ensemble, et lorsqu’ils se détournent l’un de l’autre. Cette vie est unique, et pourtant semblable.

Les anges sont éternels dans leur code de service : ils ne transgressent pas les lois établies, ils gardent les dons et portent la responsabilité.
Mais l’homme ne vit qu’un seul instant, au cours duquel il doit découvrir les lois du monde, les accepter et les transmettre à ceux qui viendront après lui.

Parfois naît une âme différente des autres. Elle brise ses chaînes, franchit les frontières, s’embrase dans les ténèbres, vole le feu et arrache de sa poitrine un cœur ardent, offrant des instants de révélation et de chaleur. Elle peut consumer pour ses propres fins, conquérir des nations, semer la douleur et la peur. Mais elle abat aussi des murs, soumet des tyrans, triomphe des bêtes, conquiert des cités et offre la liberté aux autres. Les hommes appellent de telles âmes des Héros. On compose des poèmes sur eux, on chante leurs louanges, on tisse des légendes et des mythes.

Le mal, lui aussi, emprunte l’image des Héros. Dans l’Antiquité, il disait : « Voyez ce qu’il est advenu du héros — les dieux l’ont maudit pour sa désobéissance. » De nos jours, il murmure autrement : « Regarde le Héros. Tu le mérites, tu en es digne. Sois parmi les meilleurs, touche ton rêve. La vie appartient à ceux qui osent, à ceux qui ne s’arrêtent jamais ! »

Alors, dans l’âme des gens ordinaires, naît un ver de doute :
« Ne serait-ce pas moi qui dois agir ? Pourquoi pas moi ? Est-ce vraiment ma vocation ? »

Je descends souvent vers eux et marche à leurs côtés, en quête de nouveaux sens. Et ces sens sont d’une simplicité étonnante.
Se réveiller à l’aube et voir les étoiles s’éteindre dans le ciel qui s’éclaire.
Offrir son corps au jet de l’eau.
Sécher sa peau à la chaleur.
Boire une tasse de thé parfumé.
Acheter une miche croustillante à la boulangerie et la rompre encore chaude.
Embrasser un enfant ou déposer un baiser sur la joue rugueuse d’un voyageur fatigué.
S’asseoir sur un toit, dos contre dos, et compter les étoiles en silence.
Faucher l’herbe, préparer un bon repas, fabriquer des meubles solides, bâtir une maison sûre.
Même mettre de l’ordre et vider ce qui est impur — laissant derrière soi harmonie et réconfort.

Le mal appelle cela de l’ennui. Une routine grise, dépourvue de l’éclat des feux d’artifice, des carnavals et des vitrines. Mais c’est justement dans cette banalité que se déroule la plus grande part de la vie humaine. Et celui qui l’accepte — qui se réjouit d’un nouveau buffet, d’un lit propre, d’un café parfumé, qui sait sourire à ses proches — est le véritable héros.

Un tel être n’a pas peur de se tromper. Il accomplit beaucoup de choses de ses propres mains. Il donne de la joie par de simples gestes, et chaque jour il allume les cœurs autour de lui. Oui — chaque jour, l’homme peut être heureux, sans attendre une fête ou la faveur d’un bienfaiteur.

Les hommes le sentent, et ils honorent celui qui est toujours là — tel un ange, mais encore un homme. Et c’est là une force capable de résister au mal. Le temps viendra où les âmes de ces « gens ordinaires » entreront dans le service éternel aux côtés des gardiens. Ils apporteront de nouvelles connaissances et expériences, fortifiant la foi et la puissance des Cieux.

Et les Héros ?
Les Héros resteront dans les légendes et les contes.
Car Dieu les aime tous.

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