Chapitre DeuxièmeUn Travail Simple
Virage après virage, la route plaquait son corps puissant contre le dossier du siège sportif. Le rugissement du moteur passait tour à tour du cri perçant d’une meuleuse au timbre doux d’un baryton. Le volant s’alourdissait, frappant ses mains à chaque irrégularité du bitume. Il n’y prêtait aucune attention — pas plus qu’au ciel sans nuages, à la mer turquoise ou aux falaises rousses qui bordaient la route étroite.
Le paysage qui, jadis, l’avait ébloui en surgissant après un tournant de montagne, ce même paysage qui avait allumé en lui des étincelles d’émerveillement, restait désormais hors de sa vue. Une seule chose comptait, une seule pouvait le pousser à tirer de lui-même et de la machine tout ce qu’ils avaient. Ce faible signal, presque éteint. Il l’avait toujours entendu, mais aujourd’hui il était si faible qu’il disparaissait parfois du radar. Un autre virage, un tunnel — puis, accroché à la montagne, un petit village. Rues étroites, balcons toujours verts, terrasses, jardins et squares. Encore une minute — et l’ascenseur s’ouvrit sur un hall accueillant. Une porte silencieuse, un salon baigné de lumière, avec vue sur la mer et le port niché au pied de la montagne. Tout était propre, en parfait ordre. Mais le signal… presque éteint.
Non, elle n’était pas morte — les signes avaient simplement changé, du bon au mauvais. Le soleil ne brillait plus, l’eau ne rafraîchissait plus. Rien ne pouvait rendre la joie ni la lueur à ses yeux éteints. Ils regardaient avec indifférence tout ce qui, autrefois, y faisait naître le feu — ce feu qui coulait comme de la lave dans ses veines, emplissant son corps de force et de passion. Une passion capable d’enflammer les cœurs endormis, de les faire battre à nouveau. À présent, tout s’était éteint… ou presque.
Il s’assit à côté d’elle et prit sa main.
— Ça ne va pas ?
— Non. Je n’ai envie de rien.
— Je reste là. Si tu as besoin de quelque chose, dis-le-moi.
Parfois, pour aider, il suffit d’être là — de prendre une main, ou de serrer dans ses bras. La simple chaleur d’un contact commence à réchauffer les doigts, les paumes. Puis la couleur revient, les lèvres tremblent, les yeux brillent et se remplissent de larmes. Elles montent jusqu’au bord et glissent sur la joue lisse. Elle s’assied, passe ses bras fins autour de lui et approche ses lèvres de son oreille.
— C’est bien, juste d’être comme ça.
Elle déposa un baiser doux sur sa joue rasée de frais.
— Comment as-tu su ?
— Le signal a disparu du radar. Peut-être que ton âme était fatiguée.
— Oui. Sans doute.
— Si tu as besoin de quelque chose, dis-le-moi.
Ils se regardèrent dans les yeux.
— Au coucher du soleil ?
— Oui, murmura-t-elle.
Le ciel immense et sans fond répandait des milliards d’étoiles scintillantes. Les ténèbres absolues enveloppaient tout alentour. Seul le frémissement léger des feuilles rompait le silence.
Personne ne vit son sourire tranquille et heureux. Il était satisfait — encore une fois, il avait réussi. Il avait tout bien fait. Une autre âme, sur le point de s’éteindre, avait de nouveau illuminé le monde de son amour.
— Prendre une main… et la conduire vers le couchant.
Il était allongé sur le dos, les mains derrière la tête, les ailes largement déployées.
— Aujourd’hui, c’était facile. Il fallait juste se reposer…