Chapitre Trois. Toujours en avant !
Être l’un d’eux, c’était une grande responsabilité.
Il était incroyablement concentré — et heureux. Il avait marché si longtemps pour atteindre cet instant. Il avait tant rêvé de se tenir parmi ceux qui sont sûrs d’eux, courageux et décidés.
Difficile de dire ce qui lui donnait le plus de force : le fait d’être enfin accepté, le soleil levant, ou l’uniforme neuf qui lui allait à la perfection.
— En rang !
Les recrues se mirent rapidement le long du couloir, frottant leurs yeux encore endormis et frissonnant dans la fraîcheur du matin.
— Alignez !
Tous se turent, se redressèrent et tournèrent la tête vers la droite.
— Garde-à-vous !
Les yeux fixés droit devant. L’attention maximale. Les muscles tendus, prêts à écouter et à obéir.
À cet instant, on ne pense plus — on attend. On ignore encore ce qui viendra, mais tout en soi est prêt.
Silence complet. Pas un son.
— Repos ! Sortez pour l’exercice du matin.
Un grand soupir rompit la paix.
Comme un troupeau de mustangs sauvages, ils franchirent la porte étroite, faisant vibrer les vitres, dévalèrent les escaliers et se répandirent dans la rue.
En un instant, le rythme régulier de leurs pas emplit l’air, rebondit sur les pavés gris, souleva la poussière du chemin sec, balaya la rosée de l’herbe et se perdit dans le bois de bouleaux.
Ainsi commençait une nouvelle journée, pleine d’entraînements, de cours, de séminaires et d’études : les lois de la nature, les mécanismes du monde, les forces et les faiblesses du corps et de l’âme, la fidélité et la trahison, l’amour et la haine.
Chaque jour le rapprochait du moment le plus important — celui où il deviendrait Gardien.
Il ne pourrait jamais dire : « Je ne peux pas. »
Il ne connaîtrait ni la fatigue, ni l’erreur, ni la négligence.
Il n’aurait pas de rancune envers les malédictions ou l’injustice.
Il serait la voix qui murmure quand tout semble perdu,
la seconde chance qui relève après une chute douloureuse,
le hasard heureux qui détourne la pierre qui tombe.
Son esprit, sa voix, sa force et ses ailes ne serviraient qu’à une seule chose :
guider à travers la vie une âme nouvelle, pure et fragile,
venue habiter un petit corps encore maladroit.
Et parfois seulement, il s’assiérait un instant sur une pierre tiède —
pour reprendre souffle avant d’avancer encore,
jusqu’au bout.